Production de puces électroniques, un enjeu majeur
Omniprésents et indispensables dans les applications microtechniques, les composants électroniques font l’objet d’une bataille planétaire. Dominé par les fabricants américains et asiatiques, le marché des puces et autres semi-conducteurs est désormais considéré comme stratégique par l’UE. Elle veut donc relancer le Vieux-Continent dans cette course technologique de très haut niveau qui s’annonce impitoyable. Seize pays de l’UE, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Pologne, la Belgique et les Pays-Bas, préparent une alliance industrielle pour renforcer les capacités européennes dans la conception et la production de puces électroniques.
Objectif : créer un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) pour développer des capacités de production qui font cruellement défaut aujourd’hui. En effet, les champions européens, comme STMicroelectronics se comptent sur les doigts de la main et ce dernier n’est situé qu’à la onzième place dans le classement des principaux fabricants mondiaux. Un marché qui était dominé en 2019 par Intel (USA), Samsung (Corée du Sud), TSMC (Taiwan), SK Hynix (Corée du Sud) et Micron (USA). L’Europe est ainsi dépendante d’importations des Etats-Unis ou des pays asiatiques et ne détient que 10% d’un marché mondial évalué à 439 milliards d’euros en 2020. Les pays signataires de l’accord européen invitent l’ensemble des pays de l’Union Européenne à les rejoindre et visent également l’établissement de standards communs pour des technologies électroniques sécurisées. “C’est un bond en avant important”, s’est félicité le commissaire européen en charge du Marché intérieur et du Numérique, Thierry Breton. “Cette initiative va poser les bases d’une alliance industrielle, une approche collective qui peut nous aider à tirer parti de nos forces et à saisir de nouvelles opportunités alors que les puces électroniques avancées sont de plus en plus importantes pour la souveraineté numérique de l’Europe et sa stratégie industrielle.”
Les Etats partenaires pourront profiter du plan de relance européen, dont 20% seront consacrés aux technologies numériques, soit jusqu’à 145 milliards d’euros sur les trois prochaines années. Mais est-ce-suffisant pour gagner la bataille ? “Combler les déficits européens dans l’industrie électronique demanderait un effort financier colossal, un soutien public de long terme et une solidarité de filière qui imposerait d’acheter européen. Impossible à imaginer”, juge Eric Le Boucher dans sa chronique consacrée à ce sujet dans Les Echos du 27 février 2021. “En outre, la fabrication des puces est devenue d’une telle difficulté homérique (tracer des composants de moins de 10 nanomètres) que même le roi Intel, incontesté depuis quarante ans, a désormais du mal, le Taiwanais TSMC a pris sa couronne.”
La coopération entre les différents pays européens devra profiter de nouvelles tendances technologiques (5G, intelligence artificielle, informatique quantique, etc.) en mettant en commun les investissements et en coordonnant les actions des acteurs publics et privés. Avec à la clé, la création des synergies entre les initiatives de recherche nationale. “Il y a une prise de conscience collective indéniable”, constatait Jean-Marc Chéry, PDG de STMicroelectronics, dans le journal Les Echos. “Mais il faut aller vite, sinon, demain, après avoir financé notre économie en général, nos banques centrales devront sauver directement nos industriels fragilisés par le manque de débouchés.” Et c’est le seul moyen pour faire face à la concurrence acerbe de certains pays, comme la Chine, qui entendent se développer très vite en matière de production de puces. Et pourrait même à terme, appliquer des mesures restrictives aux producteurs étrangers, dont les européens.